ou comment réénergiser et renouveler l’utopie, et la repolitiser?
en cette nuitée, je vais discuter d’Utopie Radicale d’Alice Carabédian, un essai sur l’Utopie et la SF à retrouver aux éditions du Seuil.
Tout d’abord, l’autrice pose les bases d’une définition de l’Utopie, ce qu’elle a été et a représenté par le passé jusqu’à une époque plus contemporaine: un genre littéraire qui n’est pas de la SF donc, mais qui lui est apparenté, et surtout un objet historique éminemment politique ayant pour but de penser et explorer un/des monde.s différent.s, une invitation au voyage donc, et une critique sociale en vue de changer notre monde pour le mieux. On aborde ensuite son pendant opposé à l’extrême, la dystopie, (qui, pour le coup, est un sous-genre de la SF) elle aussi historiquement tout à la fois objet politique et critique sociale, mais comme en creux, destinée à servir d’avertissement, ou mieux: de cautionary tale, comme on dirait en anglais. Elle explique que l’une comme l’autre ne sont nullement des marches à (ou à ne pas) suivre ou des projets politiques, mais bien des objets pour nous aider à penser des mondes différents (et non seulement alternatifs), en bref des expériences de pensée, et que les deux genres ont été dénaturés ainsi et donc dépolitisés car les classes dominantes en ont peur, jusqu’à voir des richous comme crésus tels Bezos ou Musk citer paradoxalement des créations utopiques, dystopiques ou de SF comme principale inspiration, créations qui pourtant critiquent bien leurs propres agissements. Elle explore en parallèle les différents types de dystopies et d’utopies.
Elle explique également la différence entre SF et Utopie et souligne la nécessité de mixer des éléments de l’une avec des éléments de l’autre, “utopiser” la SF et “SFiser” l’Utopie afin que ces deux genres regagnent tous leurs potentiels politiques et critiques. Elle cite notamment Anna Lowenhaupt Tsing, avec son champignon de la fin du monde qui survit dans les ruines du capitalisme, Donna Haraway, qui a beaucoup exploré ce que le féminisme aurait à gagner de la SF et du queer, Ursula K. Le Guin, enfin surtout The Dispossessed, et Ian M. Banks avec son Cycle de la Culture.
Elle pose in fine la question suivante: comment réimaginer l’Utopie et la SF pour leur (re)faire dépasser leur potentiel imaginaire et que ces genres (re)prennent leur véritable envol en tant qu’objet politique et critique? Comment leur rendre (ou faire repousser) leurs racines radicales?
C’est une belle analyse, comme je le disais ailleurs, notamment sur l’Utopie, ou plutôt les utopies, et leur potentiel politique, qui appelle à la réflexion et pouvant servir d’introduction à l’exercice/processus de pensée qu’est l’Utopie ; but something is missing… (comme l’a écrit d’ailleurs Samuel R. Delany à propos du fameux Manifeste Cyborg d’Haraway) Des/d’autres apports critiques auraient été bienvenus, je trouve. Comme par exemple justement ceux de Delany (encore lui, oui…) concernant la SF ou Le Guin. L’analyse, tant autour des utopies que de la SF, aurait notamment bénéficié d’une mention de la lecture critique de The Dispossessed de Le Guin qu’en fit Delany et d’une mise en parallèle entre son Trouble on Triton, véritable hétéropie sur le(s) genre(s), et le Cycle de la Culture de Banks…
Mis à part ça, ce livre m’aura au moins donné l’occasion de réfléchir plus avant sur l’utopie et la sf, ce qui est toujours bien cool, mais ça m’a surtout aussi redonné l’envie de me remettre à écrire à donf… n_n
niveau d’emmerdement: c’est court et ça se lit quasi d’une traite donc bon… 0 à 1 / 10
note générale: 7,5 / 10
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