Tout est là. Tout est annoncé. Les thèmes et les motifs se posent. Ce premier album annonce la couleur. Il est impossible de chroniquer cette première séquence sans parler de l’entièreté du film. Le premier pas d’une vaste discographie composée d’albums et de nombreuses collaborations chères à la scène dub française.
Fin des années 90, Zenzile est un groupe local parmi les groupes locaux. Les groupes arrivent par wagons : ska, reaggae, punk… Peu marqueront l’histoire. Certains placeront leurs villes de province sur la carte française du rock : Hightone à Lyon, Sinsemillia à Grenoble, Ez3kiel à Tours, les Burning Heads à Orléans, et donc Zenzile à Angers. Il devient possible de faire carrière depuis sa petite ville.
Quelle est l’histoire des angevins ? Comment tout a commencé ? Le groupe est peu disert. Rien de surprenant pour un groupe qui fait de la musique essentiellement instrumentale. On peut imaginer qu’une bande de punk, un peu plus curieux que la moyenne, a découvert le reggae écoutant les Clash (Polices and Thieves reprise de Junior Murvin sur le premier album). Et du reggae au dub, il n’y a qu’un pas, sur London Calling on peut écouter la basse galopante de Guns of Brixton. Après sur Sandinista, c’est le feu d’artifice où se rencontrent rap et dub (Magnificent Seven). Dix ans plus tard, le morceau Guns of Brixton donnera son nom à un autre groupe de dub français, normand cette fois-ci.
Certains théoricien du cinéma défendent l’idée de l’auteur : une vision, des thèmes, des motifs se posent dans le premier film et se répètent dans les films suivantes. Tout Almodovar est annoncé dans une scène de son premier film. “Le Cri” de Munch résonnera dans tous les films de l’expressionnisme allemand des années 1920.
La théorie semble s’appliquer ici, avec ce premier album, de très bonne facture, Zenzile va dérouler une discographie riche, fouillée, explorant différentes teintes et couleurs. Le froid dans Sound Patrol (2001) avec son intro polaire, la chaleur organique de Modus Vivendi (2005). Cold wave et retours aux sources sur des nuances de gris avec Living in Monochrome (2007), Electric Soul au titre tautologique (2012) et enfin on pourrait citer un clin d’oeil Kraftwerkien (Berlin 2014).
Le Dub : un duo basse/batterie s’entête et vous fait battre les profondeurs et dessus on met ce qu’on veut. Vraiment tout ce qu’on veut. Les motifs et les thèmes se répètent. Sur ses bases solides, Zenzile nous raconte des histoires à petite et grande échelles ; sur un morceau, un album, une discographie. On ressent les couleurs. Elles nous passent par le corps. Les angevins forment un groupe de musique cinématographique. Pour preuve, ils ont réussi l’exploit d’un ciné concert : créer et jouer en public une bande originale de leur invention pour “Le Cabinet du Docteur Caligari”, éminent film de l’expressionnisme allemand. Un film, pas tout à fait en noir et blanc. En prime : un leitmotiv pour le personnage principal.
Qu’en est-il de ce premier voyage, Sachem in Salem ? Dub Trooper, Dub Vendetta, victoire à la Phyrrhus, Warning… Il y a quelques choses de guerrier, tribal. Une cérémonie où l’on convoque les esprits et l’on dialogue avec eux dans une atmosphère flottante aux sons des instruments à vents. Flûte, accordéon, trompettes torturées, mélodica… Le feu de camp crépite. La fumée exhale les herbes. On se prépare au combat. Le voyage emmène à Kingston, Londres et aux paradis artificielles. Pumpin annonce les envolées de Modus Vivendi. Alkaline o.d ressemble aux futurs dub hits dont Zenzile a le secret : Gran Torino (Sound Patrol, 2001) ou Anti-bass Neighbourhood (Totem, 2002). Des “massives tunes” qui ont fait bougé les salles de concerts de toute la France.
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