Je suis fol·le

Et j'ai mis du temps à l'accepter

Je suis fol·le. Je suis bipolaire type 2. Je suis traumatisé·e. Je suis dissocié·e. Je suis anorexique. Mon cerveau rentre pas bien dans les cases.

J’ai mis du temps à l’accepter. Parce qu’on n’en parlait pas dans ma famille. La psychothérapie c’était bon à finir drogué·e aux antidépresseurs et accroc et basta. Génération grands parents, les termes de troubles mentaux n’existent pas, tout ce qui touche au neurologique est tabou. L’épilepsie est “un petit problème nerveux”, la dépression “se soigne en allant marcher un peu chaque jour”, la bipolarité n’existe simplement pas. Alors ça n’existait pas chez moi non plus. Ça ne me venait même pas à l’idée.

A 13 ans, première fois de ma vie que je suis seul·e dans la maison et je prends un couteau et commence à l’appuyer sur mes veines. Mais non, tout va bien. Cette fois-ci je n’ai rien fait finalement, raccroché·e à la réalité par ma relation à ma meilleure amie. J’ai 13 ans et je fais une dépression sévère. J’ai déjà des troubles du comportement alimentaire naissants. Mais de tout ça je n’en parle à personne parce que à être si tabou ça me semblait être normal. Bon, quand même j’ai prévenu deux personnes que ça n’allait pas du tout, mais non, sinon, j’étais normal·e. Le pire c’est que quelque part j’étais normal·e, la dépression à cet âge n’est pas si rare.

Quand, en seconde j’ai disons fait passer le message à mes parents que je faisais de l’anorexie mentale, c’était faux. L’infirmière était une abrutie finie, et non, je n’irai pas à ce rdv qui m’aurait permis une prise en charge par des gens qui connaissent les Troubles du Comportement Alimentaire, les fameux TCA.

Quand, à mes 19 ans, j’explose les scores des quiz sur la dépression, je n’utilise toujours pas le mot pour moi. D’ailleurs je suis même incapable de dire “Je vais mal.”. Incapable. Et je suis tombé·e de haut, j’ai réalisé “ça fait au moins 6 ans”. Et ce n’était que le début des réalisations. A l’époque je n’ai pas encore faire ma première phase hypomaniaque, à l’époque “je” ne comprenais pas que j’étais composante d’un système d’alters qui dissocient leurs émotions entre elleux.

Et j’ai mis du temps à accepter, chaque fois. Parce que chaque fois j’ai l’impression qu’on me rajoute un rock sur le dos et qu’on s’attende à ce que j’aille aussi vite que tout le monde. Aujourd’hui, je galère à accepter le mot handicapé. Pourtant même l’état reconnait que je le suis.

Ne pas parler santé mentale ça aurait pu me tuer, à 13 ans. Ce n’est pas sensé être un tabou, ni “un truc à accepter”. C’est réel et c’est là, alors à présent, cherchons nous les outils pour travailler avec ça. Et n’ayons pas honte : ça n’a jamais été un choix.

Axel·le