Cette fable apparaît pour la première fois dans le livre «Une goutte par colibri» publié en 2005 de Keibo Oiwa, anthropologue, auteur, traducteur et activiste environnemental japonais. L’auteur du livre est aussi le fondateur du Sloth Club, une ONG écologiste qui prône la lenteur de vie (voire la paresse). Il donne des conférences et des ateliers sur des questions sociales et environnementales.
En 2008, Michael Nicoll Yahgulanaas reprendra cette fable dans son livre «Flight of the Hummingbird: A Parable for the Environment» préfacé par le Dalaï-Lama et Wangari Maathai, la militante politique et écologiste, prix Nobel de la paix en 2004.
On peut penser (ce n’est qu’un hypothèse) que Pierre Rabhi a pris connaissance de cette fable grâce à son ami Matthieu Ricard proche du Dalaï-Lama.
En 2010, Michael Nicoll Yahgulanaas modifia un peu cette fable dans son autre ouvrage «The Little Hummingbird». A noter qu’une très récente et différente version vient d’être publiée par Patrick Fischmann dans son ouvrage «L’Homme naturé».
La fable du colibri de Keibo Oiwa (et reprise par Pierre Rabhi) s’inspire peut-être d’un mélange de la légende précédente et d’une autre venant des indiens Pueblos du Nouveau Mexique :
«Un jour un démon, aveuglé après avoir perdu un pari avec le soleil, se mit en colère et vomit de la lave chaude. La terre pris feu. Un colibri sauva le magnifique territoire peuplé d’humains et d’animaux en ramassant des nuages dans les quatre directions. Il utilisa la pluie de ces nuages pour éteindre les flammes. Cette légende dit que les couleurs vives sur la gorge d’un colibri sont apparues après qu’il se soit enfui à travers l’arc-en-ciel à la recherche de nuages de pluie.»
Dans l’ouvrage «Peace Tales: World Folktales to Talk About» de Margaret Read MacDonald publié en 1992, on peut trouver cette fable que j’ai le plaisir de vous traduire:
«Il était une fois, par un beau jour d’été, Éléphant qui marchait dans la rue en ronflant pour lui-même, observant les arbres et les nuages et sentant le parfum des belles fleurs d’été. Soudain, il s’arrêta net, car là-bas, sur son dos au milieu de la route devant lui, les pieds en l’air, se trouvait son ami Colibri. Il pouvait voir sa petite poitrine bouger de haut en bas, alors il savait qu’il respirait, mais il ne pouvait pas comprendre ce qu’il faisait allongé au milieu de la route. Alors qu’il s’approchait pour regarder de plus près, Colibri ouvrit les yeux et leva les yeux vers son ami. “Bonjour, Éléphant”, dit-il. “Bonjour, Colibri”, répondit l’éléphant. “Tu fais quoi?”. “Oh,” dit Colibri. “j’ai entendu dire que le ciel allait tomber, alors j’ai décidé que je ferais mieux de descendre ici et de mettre les pieds dans le vide afin que je sois prêt à le retenir quand il tombe.” L’éléphant réfléchit pendant une minute. Puis il se mit à sourire. Le sourire se transforma en rire et le rire en éclat de rire. Un grand éclat de rire beuglant que seul Éléphant pouvait faire. “Oh, Colibri,” dit-il quand il eut fini de rire, “Tu dois être le plus petit oiseau que je connaisse. Et le ciel est si grand! Il s’étend d’horizon à horizon dans tous les sens. Comment vas-tu dans le monde tenir le ciel?”. Colibri leva les yeux vers son ami. “Je n’ai pas dit que j’allais tout faire par moi-même”, a-t-il déclaré. “Mais je suis prêt à faire ma part.”»
D’après Margaret Read MacDonald, cette fable serait d’origine chinoise. Elle aurait été écrite pour la première fois dans le livre «Tales from Old China» d’Isabelle Chin Chang publié en 1969 (et non 1948 comme elle l’a écrit). La fable est intitulée «Hummingbird does his part in holding up sky».
Dans son enquête sur Pierre Rabhi, le journaliste Jean-Baptiste Malet affirme que la fable du colibri a été tronquée de sa fin par Pierre Rabhi. Cette fin nous apprendrait que le colibri meurt d’épuisement, sans réussir à éteindre l’incendie. Je ne vois pas d’où il tient cette fin puisqu’il n’y a pas de légende amérindienne se rattachant à cette fable. Il ne donne d’ailleurs aucune référence. La version d’origine de Keibo Oiwa ne contient pas cette fin non plus.
Pour Jean-Baptiste Malet, journaliste, et tous les querelleurs de la Terre, voici une véritable légende amérindienne :
«Il y a bien longtemps, avant que les humains ne parcourent la terre, il faisait toujours jour et tous les animaux vivaient en paix. Et ainsi personne ne se souvient plus pourquoi ils ont commencé à se battre. Le Grand Esprit n’était pas content du tout et a essayé de parler aux animaux pour les empêcher de se battre. Les animaux étaient si bruyants et causaient un tel chahut qu’ils n’entendaient même pas le Grand Esprit leur donner de bons conseils.
Très en colère, le Grand Esprit a jeté une couverture sur le ciel et il faisait donc tout le temps noir. Les animaux étaient désespérés et ont mis de côté leurs petites querelles dont personne ne connaissait la cause.
Les animaux tenaient conseil et essayaient de trouver une solution au problème. D’abord, l’ours avec de puissantes pattes a dit qu’il était le plus fort et qu’il allait déchirer cette couverture. Ours est monté sur la plus haute montagne et a sauté aussi haut que possible et ne pouvait que glisser sur la couverture, créant une énorme traînée dans le ciel. L’ours est tombé dans la montagne, vaincu.
Les animaux n’arrêtaient pas de se disputer qui irait ensuite. Le petit colibri a offert ses services, mais tout le monde a ignoré un si petit animal. Le vautour a décidé d’essayer de voler avec une belle tête de plumes qui a percé un trou dans la couverture. Le vautour est tombé en hurlant lorsque le soleil a brûlé toutes ces belles plumes.
Les animaux continuèrent à se disputer et le colibri s’échappa, rassemblant tout ce qu’un colibri pouvait faire, volant rapidement jusqu’au ciel. Quand il atteignit la couverture du Grand Esprit, son long bec perfora le tissu, mais son corps céda et il tomba à terre. Après une courte pause, Colibris essaya encore et encore une piqûre d’épingle apparut dans la couverture juste avant de retomber définitivement sur terre. Les animaux se sont rassemblés autour du petit colibri et ont été attristés de se chamailler. Ici, le plus petit mais le plus puissant d’entre eux est parti et a essayé de faire de son mieux.
Le Grand Esprit était heureux et a dit aux animaux que la lumière reviendrait dans le monde mais que la couverture serait remise tous les jours à la fin pour leur rappeler de ne pas se battre. Cela a créé la nuit et le jour. Le passage de l’ours est visible dans la Voie lactée, le trou du vautour est maintenant la lune et le colibri fit le plus beau des cadeaux : les étoiles!»
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